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Histoires partagées

Si les pianos de cuisson Lacanche ont pris le nom du village où siège la marque, c’est bien parce qu’ils sont liés à ce territoire depuis le haut Moyen Âge. Le dirigeant de Lacanche, Jean-Jacques Augagneur, a fait appel à notre Maison d’écriture pour réaliser un travail littéraire et donner corps à l’histoire de l’entreprise. Ces lignes explorent la portée émotionnelle de Lacanche et la manière dont les fourneaux iconiques se sont inscrits dans l’imaginaire collectif. Construit en trois parties pour autant de temporalités – 2007, 2024 et 1932 –, Lacanche ou les saveurs familières met en scène des personnages qui ont tous une relation forte avec le fourneau emblématique : une femme attachée à ses recettes de famille, une fille en escapade dans une forêt bourguignonne et un tôlier travaillant au sein de l’usine Lacanche.
Outre les liens inattendus qui se tissent et se dévoilent entre les protagonistes, la nouvelle fait la part belle aux envolées imagées : les souvenirs d’enfance, les récits intimes et les expériences gastronomiques se mêlent à la grande histoire de Lacanche. Afin de donner encore plus d’épaisseur à son propos, notre portraitiste s’est appuyé sur une compilation d’archives sur le village et la marque. Il y a puisé les détails de quelques légendes locales, s’inspirant également de la trajectoire d’ouvriers nés au XIXe siècle. Défenseurs d’une écriture inventive et exigeante, les talents Trafalgar ne pouvaient que relever ce défi qui résonne définitivement avec nos engagements.
Extraits

La petite voiture au fuselage des années quatre-vingt-dix roulait sur la départementale alors que se dissipait le brouillard matinal. À chaque virage, c’était un nouveau paysage. Autour d’elle, l’automne repeignait les hectares de vignes à sa façon. Du jaune, de l’ambre, du blond. À l’horizon, les arpents agricoles, les bocages et les vallons brillaient eux aussi de mille couleurs ; les poètes n’eurent pas tort de nommer ce territoire « Côte-d’Or ». [...] En arrivant dans l’atelier de tôlerie, Marguerite comprit rapidement que l’image qu’elle avait de l’usine datait des anecdotes de son grand-père. Dans ce hangar géant, recouvert d’une majestueuse et impressionnante charpente métallique boulonnée, aucun bruit assourdissant, aucune odeur de chaud. Tandis qu’elle levait la tête vers des plaques de tôle soigneusement étagées, une grande machine de découpe automatique se chargeait de tailler la parure d’un futur fourneau. À quelques pas de là, un bras articulé récupérait des éléments d’acier façonné et les superposait avec délicatesse. Si Marguerite raccrocha sans peine cette première étape au XXIe siècle, son guide lui fit comprendre que l’automatisation s’arrêtait là. Il y avait certes le ballet des chariots élévateurs qui servait de toile de fond à la présentation, mais il y eut bientôt une ribambelle de salutations à honorer. Car Marguerite rencontra ces hommes et ces femmes qui poinçonnaient, soudaient des pianos de toutes dimensions. D’autres étaient concentrés dans des espaces consacrés à l’assemblage. Chacun peaufinait son produit avec une attention particulière, et cela faisait partie du boulot d’être responsable de son Lacanche, jusqu’à la moindre fixation, jusqu’au moindre ajustement. [...] Après avoir remercié son hôte qui lui avait accordé plus de temps qu’elle ne l’avait espéré, Marguerite reprit la route en songeant à son Lacanche, aux mille et une manières de transmettre et partager les saveurs qui avaient bercé son enfance.
Claire pressa le pas, sans lâcher son panier à moitié rempli de morilles, sans regretter une seconde sa balade en forêt profonde. Une cueillette pour laquelle on se coupe volontiers du monde ! Son grand-père lui avait montré quelques emplacements stratégiques en lui faisant promettre de ne rien révéler. Car « un coin à morilles, ça se mérite » – niveau top secret. Il lui fallut plus d’une demi-heure pour retrouver l’orée du bois. Après quelques glissades, Claire put enfin entrevoir sous les trombes d’eau le « Clos des Grives » : la maison parentale. [...] Plus tard, le Lacanche avait été le confident aussi silencieux que fidèle des soirées dantesques, sans les parents dans les parages. Le confident des apartés entre copines dans la cuisine. Ça aussi, niveau top secret. Il y avait ses tentatives plus ou moins réussies, ce gâteau de Savoie qui restait collé au moule, ce risotto pas assez crémeux, et, enfin, ce gratin dauphinois devenu fameux. [...] Un rayon de soleil traversa le salon, illuminant quelques poussières en suspension, réchauffa le visage de Claire comme une invitation à quitter ses songes. Les yeux encore fermés, elle tenta de retenir les traces fugaces de son rêve : une table dressée pour le goûter, des rires d’enfants et surtout le dessert signature de sa mère. En se redressant, Claire avait encore en bouche le goût des nonnettes glacées au miel de châtaignier.
Avec Armand, ils avaient fait les quatre-cents coups. Les fugues adolescentes en pleine nuit pour se retrouver à l’étang, et les parties de pêche qui bravaient les interdits. Les premières cerises dérobées dans le jardin du père Chary, et les premières copines qu’ils voyaient près du lavoir. Comme la plupart des jeunes ici, ils rentrèrent tôt à l’usine : l’apprentissage de la tôle pour Gustave, la fabrication de moules de fonderie pour Armand. Ils avaient grandi ensemble et vécu des moments transformés en souvenirs communs, à l’image d’un certain jour de juin 1920. [...] En s’installant à son établi, Gustave s’engagea d’emblée dans une découpe au millimètre. Et pendant que ses mains assemblaient, pendant qu’elles poinçonnaient, son esprit planchait ferme sur ce que venait de lui confier Armand, sur son épanouissement au sein de Lacanche. Mais à mesure que les plaques de tôle prenaient forme, à mesure qu’il sentait cette joie du travail accompli, Gustave comprit que c’était là qu’il aimait être et s’exprimer – aux côtés d’une équipe elle aussi soudée. Contrairement à son ami, il était lié à cette usine, en harmonie avec cet univers ; avec ce matériau que l’on pouvait modeler à l’infini, revêtir de couleurs en jouant sur des nuances des plus infimes. [...] La suite de leur amitié ne fut qu’épistolaire, Gustave avait conservé chacune des lettres d’Armand. Entre les lignes, Gustave lisait l’épanouissement de l’apprenti qui était passé second, puis chef de partie, et qui appartenait désormais à cette confrérie des brigades de palace. Il savait tout des coulisses de ce grand hôtel, situé 25, avenue Montaigne, où officiait Armand.